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Histoire. Avec l'aimable autorisation des éditions Tallandier, L’IEESDS diffuse un article d’André Amar publié en 1973. C’est, à notre connaissance, le premier texte où figure le mot décroissance employé dans le sens que nous lui donnons aujourd’hui (La traduction du livre de Nicholas Georgescu-Roegen Demain la décroissance. Entropie, écologie, économie date de 1979). Cet article a été publié voici 36 ans dans un numéro de la revue La Nef* (n°52) intitulé « les objecteurs de croissance » aux côtés de ceux d’autres personnalités comme Jacques Attali, Jean-Pierre Chevènement, René Dumont, Michel Rocard…
* Attention, cette revue La Nef n’existe plus mais le titre a été repris depuis par d’autres éditeurs.


 

La croissance et le problème moral
par André Amar

Les cahiers de la Nef ; Objecteur de croissance 1973

Il se pourrait que l'homme traditionnel ait déjà trop agi et trop peu pensé depuis des siècles.
(Martin HEIDEGGER, Qu'appelle-t-on penser ?)

Le présent article n'a pas la prétention d'analyser ou de résoudre les problèmes du « zéro growth ». Si la décroissance, au moins sous certaines formes, apparaît aujourd'hui comme nécessaire, on ne peut, en revanche, traiter superficiellement les problèmes économiques ou politiques qu'elle suscite. Notre intention est plus particulière : essayer de montrer comment et jusqu'où le phénomène de la croissance est enraciné dans l'esprit même de la civilisation occidentale moderne ; qu'il procède d'une inversion de nos valeurs morales ; enfin que toute forme de maîtrise de la croissance suppose une mutation profonde de notre pensée.


La croissance n'est pas suffisamment définie par l'augmentation de plus en plus importante des biens de consommation. Sans doute cette augmentation s'explique-t-elle par la nécessité ; de subvenir aux besoins d'une population mondiale qui ne fait que grandir, mais dans le contexte des temps modernes la croissance apparaît comme la fin idéale de toute action économique, comme une sorte de salut terrestre.

 

LES COMPOSANTES

Quel est le caractère essentiel de la croissance dans nos temps modernes ? Elle est une conquête, un déchaînement d'agressivité. Notre production n'a pas pour objet de vêtir ceux qui sont nus ou de nourrir les affamés, mais de vendre de la vitesse, de la puissance et de l'information.

Le lecteur peut être surpris d'apprendre que l'information est une forme d'agressivité, mais nous lui demandons de porter son attention sur le contenu de l'information moderne. L'information n'est pas la communication d'un savoir, mais une excitation. Le savoir est fait d'une connaissance des choses, bien sûr, mais aussi et surtout de réflexion, d'analyse, d'interprétation, bref, de tout un travail de la pensée qui dépasse le donné brut de l'observation ou de l'expérience pour tenter de saisir le réel dans sa vérité et le phénomène dans sa notion. Mais l'information moderne, répandue à profusion à travers des réseaux denses, multiples et complexes, est une opération instrumentale, et non pas intellectuelle, moins encore spirituelle. Elle nous envahit sans nous laisser le temps de penser ; les messages se bousculent pour nous atteindre ; dans la même minute les journaux, les livres, les émissions de radio ou de télévision nous interpellent et nous assaillent. Les distances étant abolies, la production de l'événement et la communication de l'événement étant simultanées, l'homme moderne doit s'enfermer pour résister à ces attaques sans fin. En particulier, l'information la plus agressive, celle qui a pour objet de vendre de la vitesse et de la puissance est la publicité. Sans, la publicité, avec qui nous habitons quotidiennement, la croissance ne nous envelopperait pas si totalement. Que nous soyons enveloppés par la croissance signifie que nous vivons en elle et par elle, comme si elle était notre milieu écologique. C'est elle qui donne le ton à l'existence de l'homme civilisé moderne. Cette existence se déroule sous le signe de la carrière. La carrière est un parcours. Le parcours est jalonné non point par des progrès dans l'art de faire, mais par des postes de commandement de plus en plus éloignés du front des exécutants. Le civilisé moderne est soumis aux exigences de la carrière dans les organismes publics ou privés. De là l'importance des grandes écoles où l'on apprend tout ce qu'il faut pour diriger le travail des autres et rien de ce qu'il faut pour le faire soi-même. De là aussi l'équivoque de ce qu'on appelle l’éducation permanente qui a pour objet, non point d'approfondir la pensée ou d'éclairer le savoir, mais de maintenir tant bien que mal dans la course les plus âgés talonnés par les moins âgés. Notre système éducatif aboutit à favoriser l'agressivité dans une vie consacrée à la carrière. Cela est vrai, non seulement des écoles dites de gestion ou de « management », mais aussi des écoles d'ingénieurs et des centres de recherche scientifique. La technologie, c'est-à-dire la transformation systématique du théorique en technique, et la promotion sociale vont ainsi de pair. La croissance de l'économie moderne n'est due ni à un surplus de besoins vitaux, ni à une émulation pour une meilleure qualité des œuvres, mais à une poussée générale d'agressivité qui fait du cadre supérieur l'homme type de la société occidentale.

 

L'EFFONDREMENT DES MORALES

La croissance est en définitive croissance de l'agressivité. Ainsi se trouve posé le problème moral.

Le passé de l'Occident est enraciné dans trois types de morales distinctes et proches tout à la fois : la morale grecque, la morale juive, la morale chrétienne. Toutes les trois condamnent, chacune à sa manière, l'agressivité.

La morale grecque est fond ée sur l’harmonie et la tempérance. L'homme vertueux est celui qui sait éviter la démesure, l'hybris qui est la violence furieuse, le déchaînement de la passion. Courage sans témérité, douceur sans faiblesse, plaisir sans débauche, raison sans sophismes, ce sont là les qualités du sage antique dont l'image se retrouve tout au long de la littérature classique.

La morale juive est moins celle d'un sage que celle d'un juste. Le juste, le tsadich est celui qui vit selon la Loi. La Loi est divine : Les tables étaient l'ouvrage de Dieu, et l'écriture était l'écriture de Dieu gravée sur les tables (Exode 32,16). On reste stupéfait devant la précision de commandements. Mais une ligne général se dégage : interrompre, casser l'agressivité de l'homme. Le repos du septième jour, d'abord, repos total : Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes portes (Exode 20,10). Le repos du septième jour n'est pas un loisir. Nos loisirs, aujourd'hui, sont des moments de divertissement, aussi notre grande affaire est-elle de les organiser. Mais la Loi n'organise pas le loisir ; elle le sanctifie, elle réserve à Dieu.

L'agressivité économique n'est pas connue seulement par l'institution du septième jour. Elle l'est aussi par toute une suite de dispositions rigoureuses qui empêchent l'exploitation de l'homme et du sol. Tout est dit en quelques pages : remise des dettes, le droit de rachat des terres, la libération des esclaves, la restitution du gage au débiteur, l'abandon des fruits et des épis à la veuve et à l'orphelin, l'aide gratuite « au frère qui tombe dans la gêne ». Le peuple de la Loi n’a que faire d'une révolution pour abolir l'accumulation du capital ;  il lui suffit d'entendre le prophète :

Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison
Et qui joignent champ à champ,
Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'espace
 Et qu'ils habitent seuls au milieu du pays.
 (Isaie 5,8)

Issue de la morale juive, la morale du Christ entend non pas abolir la Loi mais l'«accomplir ». L'accomplissement de la Loi, c'est la non-violence absolue : la joue que l'on tend, le manteau que l'on donne en plus de la tunique, l'aumône faite en secret, l'amour des ennemis, l'offense en pensée équivalente à l'offense en acte. L'agressivité est non seulement endiguée, comme dans la Loi juive, mais retournée contre le sujet lui-même : l'homme est pécheur par une faute qui remonte à l'origine de l'Histoire. La rémission de la faute originelle est le seul but du chrétien. Le souci économique passe au second plan : Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu et toutes ces choses vous seront données par-dessus. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine.

Ces trois morales se sont conjuguées dans la civilisation occidentale. Différentes par leur langage, par leur histoire, par leurs attaches religieuses, elles ont en commun d'empêcher l'agressivité de l'homme de se donner libre cours. Certes, aucune de ces morales n'a été capable de supprimer les violences, guerrières, les supplices, les dévastations, les cruautés de l'esclavage, mais toutes offraient à l'homme une porte ouverte par où pouvait s'échapper un trop-plein d'agressivité, toutes montraient la voie d'une sublimation des instincts, par la contemplation du Souverain Bien, par l'étude de la Loi, par la mystique de la Foi.

Or, ce qu'il importe de remarquer pour ce qui nous occupe ici, c'est que cette agressivité économique que nous appelons la croissance et que nous voyons se développer depuis seulement deux siècles ne s'est pas manifestée en dépit de la morale, mais qu'elle-même a pris une figure morale. La croissance est souhaitée, recherchée, appréciée comme une vertu des nations civilisées. Elle est saluée comme une Promesse, comme une Espérance et comme une Grâce. Ce n'est que depuis quelques années seulement que l'on commence à s'en méfier, mais jusqu'à présent elle était un principe sacré. Pour qu'en deux siècles il y ait eu une telle explosion de croissance économique et pour que cette croissance prenne aujourd'hui valeur de morale, il a bien fallu que les trois morales dont nous avons parlé aient cédé du terrain ; il a bien fallu qu'il y ait eu dans l'histoire de la pensée européenne un changement de valeurs, une inversion éthique, une substitution idéologique. Que s'est-il donc passé ?

 

LA MUTATION DE LA PENSEE OCCIDENTALE

Quelques phrases de Heidegger nous mettront sur la voie. Dans la Lettre sur l'humanisme écrite, si je ne me trompe, il y a près de vingt-cinq ans et adressée à Jean Beaufret, Heidegger dit :

« Il faut nous libérer de l'interprétation technique de la pensée dont l'origine remonte jusqu'à Platon et Aristote... Depuis cette époque la pensée elle-même a valeur de « technê »: elle est comportement de la réflexion au service du faire et du produire... On juge la pensée selon une mesure qui lui est inappropriée. Cette façon de juger équivaut au procédé selon lequel on apprécierait l'essence et la capacité du poisson sur la possibilité qu'il a de vivre en terrain sec. Depuis longtemps, trop longtemps déjà, la pensée est à sec ». Ces lignes de Heidegger, fortifiées d'ailleurs par bien d'autres écrits, nous invitent à nous pencher de près sur l'histoire et l'évolution de la pensée occidentale.

Ce n'est pas chose facile et d'autant moins facile que nous avons tout juste commencé à l'entreprendre : Michel Foucault étudie les « systèmes de pensée » comme on étudie des êtres vivants. Mais, jusqu'à ces toutes dernières années, la pensée n'était pas étudiée en elle-même ; dans les universités, on étudiait les philosophes, pris un à un, séparément, comme autant de solistes, non point, certes, étrangers les uns aux autres, mais distincts les uns des autres. Une histoire quelconque de la philosophie, comme celle d'Emile Bréhier - et nous citons exprès un ouvrage bien fait - est composée d'une suite de monographies intellectuelles reliées par quelques considérations générales sur l'époque médiévale, ou la Renaissance, ou le romantisme. Mais considérer la pensée et son évolution, comme on considère la vie et son évolution, est une idée toute récente. Une telle recherche, si on veut la mener sérieusement, ne peut être ni celle d'un homme, ni même celle d'une équipe, mais doit être l'objet de toute une discipline poursuivie avec patience, scrupule et conscience.

C'est pourquoi nous demandons l'indulgence du lecteur si ce que nous dirons maintenant lui paraît hâtif et parfois arbitraire. Nous le prions de considérer ce qui va suivre comme une hypothèse dans laquelle nous nous engageons, rien que pour voir où l'on peut bien parvenir.
Ces précautions prises, voici ce que nous croyons.

A partir du XVe ou du XVIe siècle - on comprendra facilement qu'on ne peut fixer de date précise - la pensée européenne vire de la théologie à la physique, de l'étude du sacré à celle du profane, de l'ascension vers l'Etre créateur à la pénétration des secrets de la nature. Cette évolution ne s'est pas faite, bien entendu, d'un seul coup. Elle a pris des formes subtiles : l'ordre de la nature a été vu comme l'expression et le témoignage de la gloire divine ; les formes mathématiques, universelles et absolues, comme la langue dans laquelle est écrite la Création ; la recherche alchimiste de la «materia prima », comme une action mystique. En aucune façon n'ont été mises en doute ni l'existence divine ni la valeur de sa Parole sacrée, mais il s'est produit ceci : peu à peu, insensiblement, l'Etre divin a perdu sa présence au monde pour devenir un concept abstrait et métaphysique, puis une hypothèse pour expliquer l'ordre de l'univers, et enfin une simple opinion subjective qui n'a pas sa place dans la certitude scientifique.

C'est ce phénomène progressif d'intellectualisation, d'abstraction et d'effacement qui peut porter justement le nom de « mort de Dieu ». Cette expression que l'on trouve à plusieurs reprises chez Nietzsche - j'avoue ne pas savoir si elle est de lui en premier - désigne un moment de la pensée occidentale. La mort de Dieu ne signifie pas que l'irréligion s'est installée dans nos mœurs et que le taux de fréquentation des églises a baissé, mais que la pensée moderne s'est détournée du sacré.

Le sacré, c'est d'abord l'interdit redoutable qu'on ne peut voir en face sans périr. Est sacré ce qui possède une énergie infinie auprès de laquelle toute énergie finie est néant ou réduite à néant. Entre l'homme, créature finie, et la Puissance infinie, une communication et une seule est possible : la Loi morale. Pour les juifs, le Créateur s'est incarné dans la Loi ; pour les chrétiens, le Père s'est incarné dans le Fils ; mais, pour les uns comme pour les autres, il n'y a de dialogue avec l'Etre divin que par les voies de la prière et de la morale. La morale n'est pas une convention sociale entre les hommes, elle est un don divin qui autorise un certain champ de liberté humaine, mais le limite rigoureusement. Est maudit le serpent qui a dit à la femme, pour l'engager à manger du fruit de l'arbre qui « est au milieu du jardin » : Vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux ...

La, règle morale a donc valeur de certitude objective : jusque-là et pas plus loin. Aucune discussion, aucune complaisance, aucune tolérance ne sont admises au-delà d'une limite.

Or la « mort de Dieu », c'est-à-dire l'intellectualisation et la rationalisation de la Présence divine, a eu pour effet de couper la pensée européenne en deux : d'un côté, la certitude objective a glissé dans la recherche scientifique ; de l'autre côté, la foi s'est diluée dans la subjectivité. Mis à part les institutions juridiques ou politiques, la morale est devenue affaire privée. La subjectivité a progressivement submergé la morale. Coupée de toute attache avec l'Interdit et le Sacré, la morale est devenue une règle que l'on se donne à soi-même, règle qui est celle-ci pour moi, mais celle·là pour mon voisin. Entre mon prochain, et moi, du fait même qu'il n'est plus de commandement sacré, le dialogue peut tourner au dialogue de sourds et très exactement, au sens propre du mot, à l'absurde. L'absurde signifie que je reste définitivement seul avec moi-même en moi-même, que mon unique absolu est ma subjectivité, que je n'appartiens à d'autre monde qu'à mon monde intérieur. En toute dernière limite, l'évanouissement de la conscience dans la drogue exprime la renonciation à toute objectivité morale.

La certitude objective reléguée dans la physique ouvre la porte à la recherche. La recherche est le nom moderne de la connaissance. Les savants sont les chercheurs ; ils sont payés par l'Etat ou par les entreprises et leurs carrières dépendent des résultats qu'ils apportent. La recherche se fait d'ailleurs par équipes et prend la même figure que l'activité industrielle. Aucun domaine n'est interdit ; tous les domaines théoriques se prolongent dans ceux de la production. La production et la recherche sont indissolubles : on parle de production intellectuelle ou artistique comme on parle de production industrielle. Les mêmes phénomènes se retrouvent ici et là : la surproduction des articles fabriqués, l'encombrement des mots, l'inflation et la dégradation des langages, les pollutions, l'affairement culturel, les mass media, l'épuisement des ressources naturelles, la consommation inouïe de papier par les journaux et par les magazines. C'est cela la croissance.

 

ET APRES ?

Le rapport Meadows et les conclusions du Club de Rome ont été contestés. Les économistes discutent sur les hypothèses des modèles de croissance, mais les faits sont là : accumulation des déchets, souillure de la nature, destruction des équilibres biologiques. Modérer la croissance est une entreprise de politique internationale. Elle se heurtera non à la lutte des classes, mais à la complicité des classes : syndicats ouvriers, syndicats patronaux, confédérations de cadres, opposés quant aux libellés des feuilles de paie, sont solidaires quant à l'expansion. Elle se heurtera aussi aux rivalités politiques entre Etats, aucun ne consentant à céder le premier. Il en sera du désarmement économique comme du désarmement militaire : ou l'accord sera imposé et respecté, ou il sera perpétuellement retardé, tourné, dénoncé.

Est-il déjà trop tard ? Peut-on espérer un sursaut de la conscience mondiale devant le péril ? Mais existe-t-il une conscience mondiale ? Nous avouons être incapables de répondre à ces questions. Il serait d'ailleurs téméraire de s'engager dans ces problèmes sans études approfondies, sans surtout être sûr de sa pensée.

Car c'est bien de pensée qu'il s'agit. Les faits, avons-nous dit, sont là. Il n'est que de les lire dans les journaux. Mais comment les comprendre, comment les interpréter ? Notre pensée moderne façonnée par la logique formelle, par l'analyse des systèmes et par la théorie des communications est-elle capable de dominer la science ? Peut-être faut-il une « réforme des cerveaux », comme disait Galilée. Cette réforme des cerveaux n'est-elle pas aussi une réforme de la conscience ?

Car la pensée n'est pas seulement une suite d'images mentales, une combinaison d'idées, un enchaînement de relations logiques. Toute pensée profonde tend vers l'Esprit, c'est-à-dire vers une puissance antérieure à la Création elle-même. En ce sens on peut dire que toute pensée profonde est de nature religieuse, même quand elle déclare son athéisme ou son indifférence. Que la pensée soit religieuse dans son essence ne signifie pas que nous devions passer nos journées en génuflexions et en cérémonies liturgiques, mais signifie que toute pensée tend à rejoindre le sacré comme son milieu naturel. La valeur d'une morale est faite de son attache à la pensée et au sacré. Que l'attache se dénoue, la morale n'est plus qu'un accident et tout est permis.

Peut-on prévoir un retour du sacré ? Je crois que oui, mais sans apporter de preuves au sens scientifique du mot. Je crois que la pensée de l'avenir sera mystique et que se disloquera un jour ou l'autre toute notre panoplie intellectuelle faite de logique formelle, de relations structurales, de sciences dites humaines et de psychiatrie. Je pressens plus ou moins confusément ce retour du sacré sous l'aspect présent du retour aux sources : l'étude de la Bible hébraïque, celle des présocratiques, celle des Evangiles, celle du langage symbolique, l'interprétation de l'art roman, la quête d'une fin de l'homme. Peut-être verrons-nous surgir des religions nouvelles, dégagées, purifiées des mythologies des religions traditionnelles, mais présentant une résurrection du sacré. Peut-être. Mais, à coup sûr, en revanche, si le Christ a fait une révolution le jour où il a déclaré « L'homme est le maître du Sabbat », une autre révolution aura lieu le jour où l'on dira : L'homme n'est pas le maître de la morale, la Loi existe de toute éternité.

André Amar, 1973

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« Celui qui
croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. »
Kenneth Boulding (1910-1993), président de l'American Economic Association.

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